Les dandys, ces philosophes

Publié le par Alexandre Schiffer





Source : Le soir

Les dandys, ces philosophes
Jacques De Decker
vendredi 25 juillet 2008, 11:14

Daniel Salvatore Schiffer explore les profondeurs de l'apparence en célébrant Baudelaire, Kierkegaard, Nietzsche et Wilde.

Frivole, futile, superficiel, décadent : les notions auxquelles on associe le dandysme ne sont guère flatteuses. Or elles sont trompeuses. Un essai très érudit sur la question nous le démontre avec brio. Son auteur jongle avec les lectures, abat les citations de penseurs comme on abat ses cartes, déploie un incroyable éventail de références, et finit par nous faire admettre le dandysme au rang d'une philosophie à part entière.

Liégeois en qui bien des cultures européennes convergent, ce dont son nom flamboyant témoigne déjà, Daniel Salvatore Schiffer appelle essentiellement à la barre quatre esprits avec lesquels il entretient un commerce des plus familiers : Baudelaire, Kierkegaard, Nietzsche et Wilde. Le tressage de leurs réflexions auquel il se livre dote le concept de dandysme d'une densité que le profane n'imaginait pas. C'est que le dandy allie la rigueur à la fantaisie, la sévérité au dilettantisme. Epicurien, oui, mais ascète par ailleurs.

Hédoniste, sans doute, mais stoïcien : tel nous apparaît le dandy que Schiffer, au terme de sa quête savante et terriblement documentée, nous livre en fin de parcours. Quelle réhabilitation !

Quelqu'un avait précédé Schiffer dans sa défense et illustration du dandysme : Roger Kempf dans Dandies, un livre paru il y a trente ans, qui nous est restitué ici sous la forme d'une liste de fragments. Mais Schiffer s'en démarque fondamentalement, puisque il ne suit pas Kempf, et à juste titre, dans la conception machiste qu'il avait du phénomène. La première dame de France ne suffirait-elle pas à lui donner raison ?

Cet essai engagé et enflammé, très empathique avec son sujet et dépourvu de distance condescendante, est atypique. Il ne démythifie ni ne ricane, il célèbre plutôt, mais se fondant sur une réelle discipline de pensée. La bibliographie très abondante en fait foi : beaucoup de labeur a permis l'écriture de ces pages d'une remarquable clarté, et d'une grande élégance d'expression. En ce sens, le texte est à l'image du thème qu'il traite : il se garderait bien, comme le fait le dandy, de trahir l'effort qu'il a demandé.

De sorte que Daniel Salvatore Schiffer pourrait bien, sous l'enseigne de sa Philosophie du dandysme, avoir développé la thèse que le dandysme est une philosophie. Ce n'est pas un mince exploit.
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article